L’objectif de cet article est de promouvoir la réhabilitation des bâtiments existants, certains anciens (1/3 des bâtiments datent d’avant 1948) et non occupés, notamment en cœur de ville. Les impacts environnementaux sont bien plus faibles, en comparaison de constructions neuves. Utiliser davantage de matériaux biosourcés contribue à stocker du carbone biogénique, synthétisé par les végétaux.
De mon parcours professionnel dans le secteur aérospatial, j’ai gardé cet objectif de réduire les impacts de nos activités et de nos biens sur l’environnement, renforcé par ce besoin de promouvoir des solutions de stockage du carbone biogénique.
En tant qu’Habitologue, je poursuis cette quête d’inciter à stocker ce carbone, mais maintenant dans le secteur du bâtiment, au-delà de contribuer à le rendre énergétiquement efficace.
Pourquoi réhabiliter nos bâtiments
L’effort est indéniablement à mettre sur la réhabilitation de nos bâtiments plutôt que sur la construction, parce que :
- Le taux de construction diminue fortement à cause du contexte (réduction de l’artificialisation des sols, baisse de l’acceptation des demandes de permis, augmentation du coût des matériaux et de l’énergie, baisse du pouvoir d’achat des potentiels acquéreurs),
- La plupart des ressources utilisées sont non renouvelables et s’épuisent, notamment le sable,
- L’empreinte carbone est nettement plus élevée à cause de l’énergie nécessaire pour produire les matériaux et construire le bâtiment,
- Le secteur du bâtiment est celui qui génère le plus de déchets : près de 70 % de la production totale de déchets en France (source : INRS),
- 85 % des bâtiments déjà construits seront encore utilisés en 2050 (CSTB),
- Trop de bâtiments, de bureaux, de logements sont vacants suite à :
- Une évolution des usages,
- Une inadéquation avec les besoins,
- Un défaut d’entretien,
- Des désordres consécutifs à des malfaçons ou méconnaissance du comportement hydrique des matériaux,
- Des problèmes de gestion des frais de fonctionnement (notamment pour les grosses copropriétés hébergeant des foyers modestes),
- Un coût excessif des logements en centre-ville,
Mais :
- C’est plus facile et plus rentable de construire du neuf que de rénover en profondeur.
- C’est bien plus économique d’utiliser un terrain agricole que de dépolluer une friche.
- Réhabiliter un bâtiment suppose :
- De s’informer sur l’historique du bâtiment (nature des matériaux utilisés, travaux réalisés depuis sa construction, types d’usage dans le passé),
- De vérifier l’absence de champignons lignivores, notamment si le bâtiment n’a pas été occupé et chauffé pendant plusieurs années. Dans le cas contraire, les structures en bois attaquées seront à remplacer, ce qui engendre un surcoût important, voire au pire une déconstruction.
- D’évaluer son comportement hygrothermique en prenant en compte son environnement d’implantation (ensoleillement, vents dominants, végétation…),
- D’adapter les travaux selon l’usage à venir, les besoins des propriétaires ou futurs occupants… ce que peu d’entreprises en rénovation font pour des raisons de coût et parfois par manque de temps ou d’intérêt,
- Nous avons perdu beaucoup de compétences lors des guerres du siècle dernier sur l’usage des ressources locales (mur en terre crue avec des fibres végétales, mur en pierres, enduit et mortier à la chaux…)
- Les subventions publiques actuelles ont généré un marché opportuniste et sans scrupules sur l’isolation thermique et le remplacement de chaudières par une pompe à chaleur inadaptée, ce qui fait du tort aux artisans sérieux et compétents.
- Le gain en performance thermique après travaux est rarement vérifié et malheureusement souvent insignifiant, les travaux ayant été réalisés avec des matériaux non adaptés ou une mise en œuvre de médiocre qualité.
- La réhabilitation de bâtiments anciens nécessite d’avoir les compétences adéquates en techniques et matériaux traditionnels et, souvent, de consulter les Architectes des Bâtiments de France, qui peuvent rajouter des contraintes.
Alors que :
- Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d’énergie (42 %) et le second émetteur de gaz à effet de serre (25 %) en France.
- La construction est 10 fois plus impactante qu’une réhabilitation en termes d’émissions (The Shift Project Logement 2021), la consommation de matériaux est 40 fois plus importante pour une maison individuelle, 80 fois pour un immeuble de logements (études ADEME 2019),
- Il y a besoin de valoriser notre patrimoine architectural et de sauvegarder nos terres agricoles de bonne qualité,
- Le marché du réemploi des matériaux se développe de plus en plus,
- De plus en plus de particuliers se lancent dans l’auto-rénovation, voire l’auto-éco-rénovation.
Pourquoi et comment éco-rénover les bâtiments
L’éco-rénovation, c’est :
- Améliorer la santé du bâtiment et le confort des usagers avec des solutions saines et peu impactantes sur l’environnement,
- Mieux gérer les sources d’humidité et le renouvellement de l’air intérieur,
- Réduire la consommation d’énergie en limitant les échanges thermiques avec l’extérieur en périodes froides et chaudes,
- Isoler avec des matériaux biosourcés à base de laine de bois, fibres de bois, chanvre, lin, miscanthus, coton, ouate de cellulose, liège, etc.,
- Privilégier l’usage du bois pour les menuiseries, le revêtement du sol (parquet) et des murs (parement intérieur), les escaliers, les meubles. Le bois a trois principaux atouts :
- Il a une faible effusivité thermique: il absorbe peu de chaleur et contribue à la renvoyer par rayonnement. Il donne une sensation chaude en surface.
- Il a un effet biophilique: il contribue à un ressenti de bien-être, réduit l’anxiété et le stress
- Il stocke du carbone biogénique sous forme de cellulose produit à partir du CO2 atmosphérique par photosynthèse.
- Privilégier des systèmes de chauffage limitant l’usage d’énergie fossile,
- Mieux gérer la consommation d’eau potable,
- Optimiser les apports solaires en captant cette énergie pour produire de la chaleur pour chauffer l’air et l’eau sanitaire, voire de l’électricité. Néanmoins, l’air est un mauvais caloriporteur, contrairement à l’eau.
- Mettre en place des solutions de protection solaire pour les périodes estivales.
Cependant :
- La présence de pathologies et leurs causes doivent être clairement identifiées avant de se lancer dans des travaux de réhabilitation ou d’amélioration.
- Il vaut mieux faire un diagnostic global du bâtiment avant d’investir dans un nouveau système de chauffage, l’isolation, notamment de la toiture, avec des matériaux biosourcés, permettant de réduire sensiblement la consommation d’énergie et d’améliorer le confort.
En conséquence, une approche éco-responsable implique de n’engager de destruction/reconstruction et de construction neuve que par impérieuse nécessité.
Idéalement, il serait pertinent d’estimer et de valoriser le carbone biogénique effectivement stocké dans son habitat au même titre que le niveau de consommation en énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, dans les étiquettes du DPE. Mais, ce calcul serait fastidieux et génèrerait un coût supplémentaire important. Pourtant, il y aurait un véritable intérêt à valoriser les services éco-systémiques du végétal pour soutenir les actions en éco-rénovation.
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