Au-delà des techniques physico-chimiques complexes de captation et de stockage du CO2 (ou CCS Carbon Capture and Storage), il y a ce mécanisme biologique bien connu et facile à mettre en œuvre : la photosynthèse. C’est un moyen simple de limiter cette accélération du réchauffement de la planète. La flore a en effet besoin de CO2 et d’eau pour pousser. Elle rejette ensuite de l’oxygène dans l’air et produit de la cellulose, qui constitue la matière carbonée structurante de la plante. Celle-ci, en se dégradant sur place, apporte de la matière organique au sol et contribue à le régénérer et le maintenir fertile. Les vergers et les cultures stockent ainsi environ 80 tonnes de carbone par hectare selon le rapport de l’ADEME Carbone organique des sols – 2014. En comparaison, les forêts et les prairies constituent les principaux puits de carbone avec environ 80 tC/ha. Par contre, l’expansion des villes et l’artificialisation de leurs sols font chuter drastiquement ce stockage du carbone biogénique (produit par des organismes vivants). Il est urgent de végétaliser les villes, en incluant les toitures plates des bâtiments, pour atténuer :

  • la pollution de l’air,
  • les effets des ilots de chaleur urbains grâce au mécanisme d’évapotranspiration des plantes qui contribue à rafraichir l’atmosphère,
  • les risques d’inondations liés à l’engorgement des centres de traitement des eaux pendant les périodes de fortes pluies, qui vont s’intensifier,
  • la chute de la biodiversité.

Différentes formes de végétalisation se développent de plus en plus : jardins partagés et familiaux, arbres plantés au niveau des voies de circulation et des parkings, jardins sur les toits et les terrasses, et aussi des fermes urbaines et péri-urbaines. Cependant, la difficulté est de trouver de la terre arable pour reconstituer les sols qui ont été bituminés et/ou pollués.

Contribuer à la revitalisation de nos sols grâce à la matière carbonée issue de nos déchets alimentaires

La plupart des agglomérations de communes en zone urbaine dense ont mis en place un système de ramassage de déchets végétaux pour les transporter vers des plateformes de compostage. Or, à ce jour, les épluchures et les restes de repas incluant les déchets de viande et de poisson ne sont pas acceptés dans cette filière et sont donc jetés dans la poubelle dont le contenu est transporté à un centre de traitement pour y être incinéré. Cette opération permet de produire de l’électricité et/ou de la chaleur urbaine, mais génère aussi de la fumée, libérant dans l’air le carbone stocké à l’origine par les végétaux. Ces déchets représentent 30 % du volume de la poubelle moyenne d’un ménage. Beaucoup d’efforts sont déployés pour inciter les citadins à composter localement leurs déchets verts et leurs épluchures de cuisine, ce qui évite le transport. Même des copropriétés s’y mettent.

Une solution originale est l’installation d’un « keyhole garden », jardinière en forme de trou de serrure avec le composteur au milieu, qui nous vient des régions arides africaines. Les vers apportent ainsi tout ce qu’il faut pour permettre la croissance des plantes. Le broyage des déchets végétaux sur place est aussi à encourager pour pailler ensuite ses plantations, ce qui permet ainsi de créer de l’humus, en prenant néanmoins la précaution de ne pas créer une soif d’azote.

S’il n’y a pas d’espace possible pour installer un composteur, voire un keyhole, un lombri-composteur et/ou un seau à Bokashi (méthode japonaise acceptant tous les types de déchets alimentaires organiques) sont utilisables dans une cuisine (idéalement un local maintenu entre 20 et 37°C pour ce dernier). Mais il est vrai que la difficulté est de trouver ensuite à proximité un endroit en pleine terre pour déposer et enfouir la matière décomposée. Celle-ci doit être bien noire comme de l’humus pour pouvoir l’utiliser pour ses plantations d’intérieur.

Il y a un réel intérêt à amender les sols avec du compost : nous contribuons ainsi à freiner la baisse de la perte de biodiversité microbienne des sols (-30 %). Cette perte entraine une baisse de la minéralisation de la matière organique (- 40 %), de la productivité végétale (-50 %) et de la stabilité structurale des sols (-50 %), et elle engendre une augmentation du temps de survie des pathogènes d’un facteur 5 (travaux de l’INRA Dijon – Conférences Sols urbains et biodiversité 21/12/17).

D’où l’intérêt de revitaliser nos sols avec de la matière organique issue de nos déchets alimentaires plutôt que de les brûler !

Contribuer à la revitalisation de nos sols agricoles avec des pratiques plus naturelles

Par ailleurs, les travaux dans le cadre du programme 4 pour 1000 du ministère de l’agriculture avec notamment l’INRA ont montré que si on augmente de 0,4 %/an la quantité de carbone organique dans les sols à l’échelle de la planète, on compenserait ou neutraliserait les émissions de CO2 liées aux activités humaines. En France, comme nous sommes déjà un pays agricole, il est possible de stocker en plus seulement 0,19 % de carbone par an, notamment dans les grandes cultures avec le retour du bocage, de l’agroforesterie et le développement du non-labour, du semis sous couvert végétal et des cultures intercalaires et associées. Le potentiel est moins important pour les prairies permanentes et les forêts mais il faut néanmoins les maintenir car on perd 2 tC/ha/an quand une prairie permanente est transformée en culture et la tendance ne va pas dans le bon sens, les éleveurs en manque de revenu se tournant davantage vers la culture. Il faudrait donc mieux accompagner le changement des pratiques de cultures agricoles et maraichères pour revitaliser les sols en augmentant la quantité de matière organique de façon plus naturelle.

La méthanisation peut aussi y contribuer

Autre filière possible pour exploiter cette matière carbonée est celle de la méthanisation, qui est en train de se développer en France avec des acteurs comme Engie, Naskeo, etc. Ce processus permet de produire du biométhane injectable dans le réseau de gaz et le résidu, appelé digestat, est utilisé, après compostage et contrôle de la composition, comme amendement et fertilisant des sols agricoles. Ce compost contribue à augmenter le taux de matière organique des sols qui produiront des produits comestibles, qui à leur tour capteront le CO2 de l’air, ce qui donne un cycle bien plus vertueux que l’incinération…

En Ile-de-France, depuis novembre 2018, la collecte de déchets alimentaires a été mise en place pour 2 ans avec des bacs dédiés à Ville-d’Avray et Marne-La-Coquette afin de les méthaniser et de les composter. GPSO (Grand Paris Seine Ouest) devrait ensuite le généraliser sur tout le territoire. Depuis mai 2017, le 2ème et 12ème arrondissement de Paris, ainsi qu’un quartier d’Ivry trient également ces déchets. Romainville s’y est mis aussi. Ce sont des exemples à suivre ! C’est d’ailleurs un des objectifs de la loi sur la transition énergétique : d’ici à 2025, l’ensemble des producteurs de déchets alimentaires, y compris les ménages, devront avoir une solution de proximité de tri à la source de ce type de déchets.

Évidemment, toutes ces solutions n’empêchent pas de commencer par réduire nos déchets et donc nos émissions de CO2 en cuisinant davantage avec de la « matière première » de préférence produite localement !